LA FRONDE DES LINGAYATS EN INDE
Au XIIe siècle, le philosophe Bosavanna a donné naissance au mouvement du lingayatisme, en s’insurgeant contre les pratiques régressives de l’hindouisme, , comme la discrimination par la caste ou l’interdiction faite aux femmes ou aux intouchables de pénétrer dans certains temples. Le lingayatisme, dont les adeptes seraient au moins 12 millions dans le pays, ne connaît ni temple ni clergé. Il tient dans une petite pierre noire, symbole de la « conscience intérieure », que les fidèles portent autour du cou ou du torse dans une boîte en argent. « Grâce au lingayatisme, tout le monde peut prier , même ceux et celles interdits d’entrer dans les temples », explique le gourou. fier d’appartenir à un mouvement réformiste qui a essaimé de puissantes chapelles, les « mutts », dans l’état du Karnataka, dans le sud de l’Inde. Chacune d’entre elles gère des écoles et des universités grâce aux donations de ses fidèles…
Certains leaders lingayats considèrent que leur secte n’a plus sa place dans une religion, l’hindouisme, corsetée par les interdits. Ce « séparatisme » passe mal chez les radicaux hindous , qui y voient comme une trahison . « Leur projet de création d’une nation hindoue passe justement par l’unité de la famille hindoue » explique un journaliste du quotidien The Hindu, soucieux de rester anonyme. Leurs opposants politiques, attachés à l’idée d’une Inde plurielle et séculière, ont fait le chemin inverse, passant de la politique à la religion. Certains se sont servis du lingayatisme comme d’un cheval de Troie pour affaiblir la légitimité des extrémistes hindous.
Gauri Lankesh, la directrice du magazine Gauri Lankesh Patrike, en faisait partie. Cette journaliste de 55 ans a été retrouvée morte en bas de chez elle , le 5 septembre 2017. « Elle était lingayat sans être religieuse, se souvient Shiv Sundar, son ami et collègue. Elle voulait raviver les valeurs égalitaristes et de tolérance de cette religion, et a même plaidé pour que les lingayats puissent manger de la viande. Elle est allée loin, sans doute trop loin. »
Guri Lankesh défendait le retour du lingayatisme à ses principes d’origine, en rupture avec l’hindouisme. « Les lingayats se sont battus contre la discrimination fondée sur le genre ou la naissance. Ils exécraient la superstition…Fondamentalement, Bosavanna a rejeté tout ce qui concerne la religion hindoue et s’est rebellé contre elle. », écrivait la journaliste, un mois avant son assassinat. Des leaders lingayats ont confié à la police avoir reçu, quelques heures avant sa mort, des appels anonymes leur demandant de rester en sécurité chez eux….
J.F.C. (d’après un article du Monde du 4 janvier 2018)