La Tresse de Laetitia Colombani

Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école.
Sicile. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée.
Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est gravement malade.
Liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier, Smita, Giulia et Sarah refusent le sort qui leur est réservé et décident de se battre. Vibrantes d’humanité, leurs histoires tissent une tresse d’espoir et de solidarité.
Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté

M Penicaut 03/2022

 

 Le cerf volant de Laetitia Colombani

Après le drame qui a fait basculer sa vie, Léna décide de tout quitter. Elle entreprend un voyage en Inde, au bord du Golfe du Bengale, pour tenter de se reconstruire. Hantée par les fantômes du passé, elle ne connait de répit qu'à l'aube, lorsqu'elle descend nager dans l’océan Indien. Sur la plage encore déserte, elle aperçoit chaque matin une petite fille, seule, qui joue au cerf-volant.
Un jour, emportée par le courant, Léna manque de se noyer. La voyant sombrer, la fillette donne l'alerte. Léna est miraculeusement secourue par la Red Brigade, un groupe d'autodéfense féminine, qui s'entraînait tout près. Léna veut remercier l'enfant. Elle découvre que la petite travaille sans relâche dans le restaurant d’un cousin, qui l'a recueillie et l'exploite. Elle n'a jamais été à l'école et s’est murée dans un mutisme complet.
Aidée de Preeti, la jeune cheffe de brigade au caractère explosif, Léna va tenter de percer son secret. Jadis enseignante, elle se met en tête de lui apprendre à lire et à écrire. Au cœur de ce monde dont elle ignore tout, commence alors une incroyable aventure où se mêlent l’espoir et la colère, la volonté face aux traditions, et le rêve de changer la vie par l’éducation… La rencontre inoubliable et réparatrice entre une femme, une jeune fille et une enfant au milieu d'une Inde tourmentée.

JM Audebert 02/2022

 

LE MEXIQUE de Luis BUÑUEL

Luis Buñuel , né en Espagne en 1900 et mort au Mexique, à Mexico, en 1983 , est considéré comme un des réalisateurs les plus importants et les plus originaux de l’histoire du cinéma. En raison de ses convictions politiques et de la censure imposée par le régime franquiste, il a préféré s’exiler et travailler en France, aux USA ou au Mexique où il s’est installé définitivement à partir de 1946 et dont il a pris la nationalité en 1949. Sur ses trente deux films au total, il en a tourné une vingtaine dans ce pays.

Dans son livre de mémoires écrit en 1982 « Mon dernier soupir » (éd. Robert Laffont), avec l’aide de son ami et scénariste préféré, Jean-Claude CARRIÈRE, il fait part de ses observations et de ses analyses sur ce pays entremêlées d’anecdotes sur le tournage de certains de ses films ( Los Olvidados, Suzana, Robinson Crusoé ou EL, entre autres).

Il n’était évidemment pas possible de tout retranscrire de son chapitre consacré au Mexique mais d’en relever les remarques les plus savoureuses pour des lecteurs d’aujourd’hui.

« L’usage fréquent du pistolet n’est pas propre au Mexique. Il est répandu dans une grande partie de l’Amérique latine, en particulier en Colombie. Il y a des pays, dans ce continent, où la vie humaine –la sienne et celle d’autrui- a moins d’importance qu’ailleurs. On peut tuer pour un oui , pour un non, pour un regard de travers, ou même simplement « parce que j’en avais envie ».Les journaux mexicains , chaque matin, offrent le récit de quelques faits divers qui étonnent toujours les Européens. Par exemple, parmi les cas les plus curieux : un homme attend tranquillement l’autobus. Arrive un autre homme qui lui demande un renseignement.  « Passe-t-il  un autobus qui aille à Chapultepec ? – Oui, répond le premier – Et pour aller à tel endroit ? – Oui, répond l’autre. – Et pour aller  à San Angel ? – Ah non », répond l’homme interrogé. « Eh bien, lui dit l’autre, voilà pour les trois. » Et il lui tire trois balles dans le corps, le tuant raide, comme aurait dit André Breton, un acte surréaliste pur…

Je confesse au passage que j’ai toujours aimé les armes, depuis mon enfance. Au Mexique, jusqu’à ces dernières années, j’en portais toujours une avec moi. Encore faut-il préciser que je ne m’en suis jamais servi contre mon prochain.

En outre, comme on parle souvent du machismo mexicain, peut-être n’est-il pas inutile de rappeler que cette attitude « virile « , et par voie de conséquence la situation de la femme au Mexique, ont une origine espagnole qu’il ne sert à rien de dissimuler. 

Le machismo procède d’un sentiment très fort et très vaniteux de sa dignité d’homme. Il est extrêmement chatouilleux, susceptible, et rien n’est plus dangereux qu’un Mexicain qui vous regarde calmement et qui vous dit d’une voix douce, parce que par exemple vous avez refusé de boire avec lui une dixième tequilla , cette phrase toujours redoutable :

            -Me esta usted ofendiendo (« Vous êtes en train de m’offenser »). (P.255-256)…

Il faut dire aussi que le Mexique est un vrai pays, où les habitants sont animés d’un élan, d’un désir d’apprendre et d’aller de l’avant qu’on trouve rarement ailleurs. S’y ajoutent une extrême gentillesse , un sens de l’amitié et de l’accueil qui ont fait du Mexique depuis la guerre d’Espagne jusqu’au coup d’état de Pinochet, au Chili, une terre d’asile sans défaillance…

De tous les pays d’Amérique latine le Mexique est peut-être le plus stable. Il vit en paix depuis soixante ans. Les soulèvements militaires et le caudillismo ne sont qu’un souvenir sanglant. L’économie, l’instruction publique y sont développées. Il entretient d’excellentes relations avec des Etats de familles politiques très diverses. Et enfin il a du pétrole. Beaucoup de pétrole.

 Quand on critique le Mexique, il faut prendre garde que certaines coutumes, qui paraissent scandaleuses à des <européens, ne sont pas interdites par la Constitution. Par exemple le népotisme. Il est normal, il est traditionnel que le président installe aux postes de commande des membres de sa famille. Personne ne proteste vraiment. C’est comme ça.

 Un réfugié chilien a donné du Mexique une définition cocasse : « C’est un pays fasciste atténué par la corruption . » Il y a du vrai, sans l’ombre d’un doute. Fasciste, le pays paraît l’être par la toute-puissance du président. Certes il n’est rééligible sous aucun prétexte, ce qui lui interdit de devenir un tyran, mais pendant les six ans de son mandat il fait très exactement ce qu’il veut…

 A cet excès de pouvoir- appelons-le « dictatures démocratique » -s’ajoute la corruption . ON a dit que la mordida- le pot-de-vin – est la clé de toute la vie mexicaine. Elle existe à tous les niveaux (et pas seulement au Mexique ). Tous les Mexicains le reconnaissent – et tous les Mexicains sont victimes ou bénéficiaires de la corruption. Dommage. Sans cela, la constitution mexicaine, une des meilleures du monde, pourrait permettre une démocratie exemplaire en Amérique latine. »(p.261-262)

  JF Capéran   11/2021

 

LOIN DE CHANDIGARH (Ed.Buchet-Chastel, 2005)  et HISTOIRE DE MES ASSASSINS (Ed.Buchet-Chastel, 2009) deux ouvrages de Tarun J TEJPAL.

Né en 1963, c’est un célèbre journaliste d’investigation indien, fondateur de l'hebdomadaire d'actualités Tehelka.

Engagé dans l'opposition, il a dénoncé des malversations au sein du gouvernement indien en 2001. Menacé de mort, Il a vécu sous protection plusieurs années. Il est l'éditeur du Dieu des petits riens d'Arundahti Roy.

Loin de Chandigarh

Le journaliste indien raconte son histoire d’amour passionné avec Fizz. Un jour, il découvre dans la maison qu’il a achetée des petits carnets écrits par une femme au début du siècle dernier. Le journaliste, cette fois-ci narrateur externe, raconte l’histoire de Catherine, américaine, exilée volontairement en Inde, pour suivre l’homme qu’elle aime et avec qui elle partage de nombreuses aventures érotiques. C’est dans ces fameux carnets qu’elle écrit ses expériences. Enfin, le journaliste reprend le cours de son histoire, dérouté par l’existence de ces carnets, responsables de la rupture avec Fizz… Lui, si absorbé par ses lectures a fini par perdre tout désir pour sa femme tant adorée.

Cela reste un livre captivant, foisonnant, avec des longueurs parfois sur les scènes érotiques, mais on n’en sort pas indemne.

Histoire de mes assassins

Ce livre met en scène un journaliste, comme Tejpal, qui enquête sur la corruption de son pays. Un matin, il apprend dans un flash info qu’il a échappé à cinq tueurs, immédiatement arrêtés par les autorités. Tandis que le procès se prépare, la maîtresse du journaliste, Sara, entre en contact avec ces assassins pour comprendre leur histoire et ce qui les a poussés à un tel acte. Dès le début, elle a l’intuition qu’ils sont innocents.

J’ai préféré ce roman au précédent car il permet de suivre l’itinéraire chaotique, difficile et plein de rebondissements de chacun des personnages et de comprendre de l’intérieur les difficultés immenses voire insurmontables que doivent affronter les jeunes indiens des castes inférieures pour s’en sortir. C’est une plongée infernale dans la violence souterraine et inouïe d’une société indienne bien loin des clichés exotiques véhiculés par l’imagerie occidentale sur ce pays. 

JF Caperan   10/2019

 

La nuit de l’indigo de Satyajit RAY

S. Ray qui est né à Calcutta en 1921 a été très remarqué en portant à l'écran le roman de R.Tagore "Pather Panchali"  (la complainte du sentier) en 1955, "le salon de musique" est un de ses chefs-d’œuvre le plus connu.

 Ce sont onze petites nouvelles qui partent de la réalité d'une situation (un départ, une rencontre, un ami...) et petit à petit l'histoire bascule dans l’irréel ou (peut-être) la découverte d'un passé lointain ou d'un futur en devenir.

Les descriptions sont proches d'un tableau et l'on sent toute la précision du cinéaste derrière chaque histoire.

J'ai souvent pensé à Edgar Poe ou Conan Doyle avec cette touche particulière de l'âme bengalie.

 

  Brigitte Puxel     06/2016